Photo de Nathan Anderson

Photo de Nathan Anderson

La malédiction d’Oïkini :

Introduction :

 

Ce n’était pourtant pas la première fois que je croisais la mort. J’avançais à contre cœur sous la pluie battante qui me frappait le visage. Quelle idée d’avoir voulu rentrer à pieds. J’étudiais au lycée, en dernière année, dans une ville située à 3 km de là. J’ai fini plus tôt aujourd’hui et j’aurai dû attendre le bus trois heures de plus avant de pouvoir rentrer, il ne passe qu’à 8 et 19 heures ici, c’est pourquoi beaucoup de gens quittent Oïkini por aller s’installer en ville, mais pas moi.

J’ai choisi de rentrer à pieds, une belle erreur si vous voulez mon avis, je pense que je risque de mourir de froid avant de rentrer chez moi…

Je connais chaque détail de ce chemin que j’emprunte tous les jours, du moins c’est ce que je pensais, avant de voir cette maigre croix plantée dans le sol au détour d’un virage.

La scène qui se déroulait devant moi était épouvantable, un bus avait très probablement glissé sur le bitume trempé et c’était encastré dans les arbres, un d’eux avait d’ailleurs traversé le bus entier. Des bouts de verre et de ferraille jonchaient le sol et du sang coulait encore le long du véhicule pour aller se diluer dans le torrent d’eau coulant en contre-bas. On aurait pu facilement penser que la Terre entière pleurait cette perte tant l’atmosphère était sombre et la pluie dense. Je pouvais encore entendre des cris et des pleurs désespérés non loin. Malgré tout, le temps semblait s’être arrêté après cet accident. Juste les quelques instants, juste le temps que je puisse reprendre mon souffle et graver cette image au plus profond de mon esprit. L’image de la mort.

Je ne pouvais pas rester ici une seconde de plus, je ne pourrais pas le supporter. Elle me rappelait trop de souvenirs si difficilement enfouient. Je me mis à courir de toutes mes forces vers chez moi pour tenter d’oublier le tableau que cette scène avait peint en moi. Mes poumons me brûlaient tant que je ne sentais plus le froid ambiant. La pluie me frappait sans cesse le visage et je pouvais à peine ouvrir les yeux. Par deux fois j’ai failli me faire écraser et finir comme les pauvres gens se trouvant dans le bus.

Les murs de mon village étaient si étroits que la pluie n’atteignait le sol que très rarement. Je ne croisai qu’un vieil homme sur le chemin du retour à qui je dis bonjour aimablement. Tout le monde le connaissait à Oïkini, ou du moins connaissait son histoire.

C’était le seul rescapé de son bataillon, durant la seconde guerre mondiale il avait été envoyé au front et c’était bien battu. Il y a deux versions de l’histoire, la première raconte qu’un obus a explosé à l’endroit où ils dormaient mais que cet homme a été renvoyé suite à une blessure, un morceau de la bombe plantée dans le bras à ce qu’on dit. Sa femme s’est suicidée suite à une dépression, croyant ses enfants et son mari morts à la guerre. La seconde version est un peu plus noire, elle se prête bien à la folie qu’est la guerre. Celle-ci narre l’histoire d’un homme qui fut soudain pris du mal des cachots et qui, sur un accès de rage, a tué tous ses compagnons et amis dans son sommeil, celui-ci a alors été renvoyé dans son pays pour être jugé mais a réussi à s’échapper du véhicule qui le transportait. Il serait alors rentré chez lui, mais le mal l’aurait repris et il aurait tué sa femme et ses fils avant de simuler son retour quelques semaines plus tard. Si vous voulez mon avis ne restez pas seul dans un petite pièce avec lui, je n’ai jamais vu une soi-disant blessure sur l’un de ses bras…

 

La malédiction d’Oïkini // Amandine ROSSATO

Photo de Mathew Macquarrie

Photo de Mathew Macquarrie

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