Photo de Jose Fontano

Photo de Jose Fontano

Jour de paix :

 

J’étais allongé, inerte. Le spectacle que j’avais autour de moi était d’une monstruosité fascinante. Les hommes étaient allongés par dizaine, le visage déchiré, les jambes arrachés, la peau trouée par des balles ou des éclats d’obus. Tous semblaient souffrir mais aucun ne s’en plaignait malgré tout. Mais moi, moi, je ne ressentais rien, je ne sentais plus rien, mon corps, ma douleur, ma peur, ma faim, et même ma colère, tout semblait avoir disparu. J’étais si bien dans mon nuage de tranquillité… J’étais juste très fatigué, j’en avais assez de me battre. C’était la fin pour moi, me retrouver ainsi allongé, extrêmement mal en point, c’était mon cachet afin de pouvoir rentrer chez moi. Il me tardais tant de revoir ma femme et mes enfants en cet instant... Je n’avais plus beaucoup de temps à attendre avant que quelqu'un ne me ramène chez moi.

Pourtant quelque chose n’allait pas, je le savais au fond de moi, un détail me dérangeait mais je ne pouvais mettre le doigt dessus. Une chose n’était pas comme à son habitude... Mais après tout c’est sûrement normal, après tout ce temps passé à courir entre les balles le calme qui régnait ici ne pouvait en aucun cas me paraître normal. C’était bien ça en y repensant, le calme… Un calme.. morbide. Rien ne faisait de bruit, rien ne bougeait. Voilà le problème. Les gens autour ne pouvaient sûrement pas plus se déplacer que moi en cet instant. Seul le bruit des respirations et de quelques gémissements de douleurs nous laissaient imaginer la vie autour de nous. Les gens debout se déplaçaient la mine sombre partant et revenant quelques instants plus tard avec une civière dans laquelle ils plaçaient le corps d’un malheureux heureux car il avait survécu assez longtemps pour rentrer chez lui.

Tout à coup, un soldat en parfaite santé est arrivé près de nous, arme à l’épaule. Ils nous à tous jugés avec une mine de compassion sur son visage puis a soudainement jeté son arme au sol en regardant les autres hommes présents. Un sourire de pure joie a alors illuminé son visage et ses yeux se sont mis à pleurer malgré lui. Je n’ai pas entendu ce qu’il a dit la première foi, le bruit de son arme métallique résonnait encore telle une douce mélodie à mes tympans. Cette chanson à fait remonter en moi tous les souvenirs que le diable avait gravé dans mon cœur nu ces dernières années. Cette musique m’a rappelée tous ceux que j’avais aimé, tous ceux qui sont morts, tous ceux qui m’aimaient à leurs tours. Je m’étais battu corps et âme pour défendre des innocents et j’avais durement gagné, je crois, la place que je voulais me faire dans ce monde. J’avais gagné ma place de héro. C’est ce que j’ai toujours voulu devenir pour ce monde. Je me bas pour mon pays mais ce pays ferme les yeux sur mon sort. Pourtant la fleur au fusil je me sacrifierai pour la liberté.

Quand ce son de malheur à enfin cessé son chant funèbre, j’ai compris pourquoi tant de ces désespérés reprenaient soudainement goût en la vie. Les mots que j’ai entendu ont raisonnés jusqu’au plus profond de mon âme.

« La guerre est finie ! Nous allons tous rentrer ! Ils ont signés la paix ! ».

Je fus contre toute attente incapable de bouger ou de sourire et une larme solitaire, de joie je présume mais même moi ne pus savoir, s’est mise à rouler le long de ma joue. Quelque chose que je retenais depuis si longtemps en moi c’est soudainement brisé pour laisser mon esprit en paix.

Les hommes autour de moi se sont remis à la tâche et ont continués à rechercher des survivants. Les minutes d’attente avant que l’un de mes sauveurs n’arrive m’ont paru durer une éternité et quand celui-ci est enfin apparu il c’est contenté de me regarder d’un air compatissant en s’agenouillant près de moi. Il a attrapé ma main et l’a serré contre son cœur et se rapprochant de mon oreille il m’a dit d’une voix pleine de bonté et de tristesse « Merci, de t’être sacrifié pour nos vies et notre liberté ».

J’aurai voulu lui hurler que j’étais en vie, lui dire que tout irait bien, que la guerre était enfin finie. Mais pourtant, seul un grognement grossier parvint à sortir de ma gorge. Le soldat m’a alors dit d’une voix calme qui m’a rassuré « Ne bouge pas, tout va bien se passer, tu ne vas pas souffrir, ne t’inquiètes pas, ça va bien se passer, je suis là ». Je ne sais pas pourquoi, mais la simple pensée de cet inconnu près de moi m’a rassuré et le contact physique qu’il maintenait m’aidait à me sentir en sécurité.

L’homme alors attrapé la photo de ma famille que je gardais dans la poche et l’a déposé a plus près de mon cœur où il a ensuite déposé ma main.

Le sang que j’ai vu couler juste après aurait du m’effrayer mais ça n’avait plus aucune importance pour moi. Je me suis contenté de fermer une dernière fois les yeux en repensant à ma famille, une nouvelle larme solitaire sur la joue allant nettoyer le sol du sang y ayant été versé.

 

Jour de paix // Amandine ROSSATO

Photo de Sue Tucker

Photo de Sue Tucker

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