Room in New York - Rédaction
La scène se passait en 1932 à New York dans une maison bourgeoise. La demeure était située en plein centre de la ville et abordait de magnifiques murs de pierres grises. Des colonnes aussi ravissantes entouraient les fenêtres et les portes donnant sur l'extérieur.
A travers une fenêtre ouverte, on pouvait apercevoir une pièce de vie aux murs couleur moutarde. Une porte en bois était située au centre du mur d'en face et était parfaitement visible depuis la rue, si bien que tous les soirs, le couple qui vivait là était obligé de fermer de lourds rideaux en velour pour éviter que les passants ne les voient. Les parois de l'habitation quant à elles avaient pour seul ornement quelques tableaux représentant des paysages qui leur étaient chers.
Au milieu de la pièce se trouvait une table ronde en chêne, à côté de laquelle trônait un imposant fauteuil rouge qui remplissait tout le coin gauche de la pièce. Dans celui-ci, un jeune homme blond, très bien habillé, pantalon noir, chemise blanche, gilet et cravate assortie, qui lisait les dernières nouvelles du journal. Cela faisait maintenant trois ans qu'il était avocat à Washington et rêvait d'ouvrir son propre cabinet dans lequel il pourrait enfin prendre son indépendance.
En face de lui, assise sur une banquette de piano noir, se tenait une femme maigrichonne et pâle, aux cheveux chatains et lisses retenus en arrière, et aux yeux marron. Elle était tout ce qu'il y a de plus banal. Seule sa robe rouge détonnait. Son mari la lui avait achetée une semaine auparavant sans véritable occasion spéciale, juste parce qu'elle la trouvait jolie. Son mari était ainsi, prêt à tout pour lui faire plaisir. Madelaine, tel était son prénom.
Pensive, elle faisait glisser ses doigts, sur les touches de l'instrument en songeant à son amour pour son mari et à son droit de vote nouvellement accordé. Elle ne connaissait rien en politique et s'était décidée de voter comme son époux.
Elle continua à jouer tout en jetant des coups d'oeil furtifs à Henry plongé dans sa lecture du soir. Elle révait de fonder une famille avec lui un jour, de voir ses enfants grandir jusqu'à devenir de grandes personnes. Mais la folie de la guerre planait toujours au dessus d'eux et tous étaient encore effrayés.
Elle hésitait entre fonder une famille en prenant le risque que ces enfants vieillissent sans père ou attendre, au risque de ne jamais le faire. Voilà le dilemme qui la tourmentait et qui s'imposait à tous. Henry ne tarda pas à remarquer les regards mélancoliques que sa femme lui jetait et vint s'assoir à côté d'elle.
"- A quoi penses-tu ? Lui demanda t'il."
Celle-ci mit de longues minutes avant de se décider à répondre, comme cherchant la réponse adéquate. Quand elle parla enfin sa voix était à peine audible.
"- A l'avenir... Répondit elle d'une voix hésitante
- Pourquoi cherches-tu à contrôler le temps qui passe ? Demanda Henry en lui prenant la main. On ne sait pas ce que l'avenir nous réserve. N'essaie pas de maitriser l'impossible ma chérie.
- J'ai l'impression que quelque chose d'horrible va nous arriver.
- Cesse d'y penser."
Elle resta silencieuse quelques instant avant de reprendre la discution :
"- Pour qui vas-tu voter aux élections ? Je ne sais pas quoi faire.
- Roosevelt.
- Tu crois qu'il a une chance d'être élu ?
- Je suis certain que ce sera notre nouveau président.
- Comment fais-tu pour être toujours aussi déterminé ?
- Je ne suis pas déterminé. Je me dis juste que le temps fera ce qu'il a à faire et que je ne peux rien y changer.
- Tu as sûrement raison.
- Bien sûr que oui. Viens avec moi, faisons quelques pas."
Ils sortirent ensemble sous le soleil déclinant d'automne et se mirent à marcher en direction de la jetée. Ce lieu l'avait toujours rassuré. Il aimait cette sensation qui naissait en lui quand il regardait l'océan. Il était si grand et si indomptable.
Henry ne comprenait pas pourquoi Madelaine était si inquiète quant à l'avenir. Lui avait toujours été serain et sûr de lui. Il était de ceux qui pensaient que l'avenir était écrit et que les hommes ne pourraient rien y changer, qu'il n'y avait qu'un seul chemin et qu'ils devaient se contenter d'avancer, de ceux qui croyaient au destin.
Sa femme avait du mal à le comprendre, sa mère l'avait élevée en lui parlant sans cesse de libre arbitre et d'égalité. Mais ce soir là fut décisif, elle décida qu'il fallait tenter sa chance et prit la décision de fonder sa propre famille, son propre futur, sans songer à l'avenir.
//Amandine Rossato