En quoi le portrait du neveu de Rameau développé par Diderot montre qu'il peut apparaître comme un être singulier/dissemblable ?

          Le portrait du neveu de Rameau développé par Diderot montre qu'il peut apparaître comme un être singulier. Tout d'abord, il s'attache à montrer que le neveu est un ensemble de qualités et de défauts : "c'est un composé de hauteur et de bassesse, de bon sens et de déraison." ; "composé" ici signifie mélange et va avec la conjonction de coordination "et". Il est possible de comparer cet extraits aux écrits de Pis De La Mirandole dans le texte de la dignité de l'Homme : "hauteur" est comparable aux être supérieurs, les anges, et "bassesse" aux êtres inférieurs, les bêtes. De plus "bon sens" et "déraison" peuvent aussi faire référence à son texte en symbolisant l'intelligence et instinct. De plus, Diderot fait énormément de métaphores dans cette première phrase afin que le lecteur puisse imaginer ce à quoi ressemble l'homme. La phrase suivante insiste aussi sur le mélange de la personnalité du neveu : "de bonnes qualités (...) et de mauvaises". Le personnage est tout à la fois. Ensuite, il tient tout ce qu'il a, ce qu'il possède, de la Nature : "il montre ce que la Nature lui a donné de bonnes qualités sans ostentation et ce qu'il a reçu de mauvaises sans pudeur". Il est important de préciser que le mot "donner" a une connotation bien plus positive que le mot "recevoir" (Cf : on nous donne une balle, on reçoit une balle) car la Nature semble s'être débarrassée de ces défauts en les lui envoyant, alors qu'elle s'est séparée de ses qualités pour les offrir au neveu de Rameau. Comme nous l'avons déjà établi précédemment, c'est un ensemble de qualités et de défauts et cette phrase permet, une nouvelle fois, d'insister sur ce point. Enfin,Diderot présente le neveu de Rameau comme une homme héro, il écrit : "il est doué (...) d'une vigueur de poumons peu commune" puis "Dieux ! Quels terribles poumons.". Dans ces deux extraits le philosophe cite non seulement les dieux. Dans la mythologie il existait un un héro si puissant, nommé Stentor, qu'il pouvait détruire un mur en soufflant dessus. On peut le comparer au mythe de Prométhée dans lequel les hommes reçoivent des attributs divins.

 

          Dans l'incipit du Neveu de Rameau Diderot présente aussi le neveu comme un être dissemblable. Pour commencer, il s'attache à montrer que le neveu de Rameau est un mélange de plusieurs états différents à la fois : "c'est un composé de hauteur et de bassesse", plus tard dans le texte le mot "composé" s’associe avec "brouillé" : "il faut que les notions de l'honnête et du déshonnête soient bien étrangement brouillées dans sa tête". Dans ce sens là "composé" signifie un mélange et non plus un ensemble ce qui peut renvoyer au nom Satire que Diderot avait choisi au départ. L'auteur dit donc que le neveu est plusieurs choses à la fois, mais aussi que ces qualités, ces défauts, sont brouillés en lui, sont mélangés de manière désordonnée. Il donne donc un point très important de sa personnalité qui deviendra plus tard le fin conducteur du texte. On peut donc comparer les écrits de Diderot à ceux d'un autre philosophe : Héraclite. Celui-ci disait que la personnalité, l'identité de l'homme, consiste à être toujours différente. Il parlait du jeu perpétuel des contraires. Sa définition de l'identité peut décrire l'identité du neveu qui se définit par son changement constant. Ensuite, l'homme vit une vie de bohème. Le texte alterne en effet les passages au cour desquels le personnage est au plus bas : "maigre et have", "la tête basse", "malade", "en linge sale", "triste"; avec les passages au cour desquels il est, au contraire, fier et vêtu bien plus richement : "gras et repet", "la tête haute", "bien vêtu", "gai". Un parallélisme de construction se met peu à peu en place afin de comparer ces deux états. De plus, le neveu de Rameau n'a pas de lieu où aller, ce qui renforce sa vie de bohème : "la nuit amène son inquiétude. Ou il regagne, à pied, un petit grenier qu'il habite (...) ou il se rabat dans la taverne du faubourg (...) il a recours soit à un fiancre de ses amis, soit au cocher d'un grand seigneur (...) il arpente toute la nuit, le Cours ou les Champs-Elysées." Diderot commence en disant que celui-ci est inquiet, il n'est donc ni passif ni indifférent quant à son futur. Le deuxième sens du mot "inquiétude" est "mouvement" ce qui signifie que la nuit venue le neveu se met en mouvement. Ensuite, le fait qu'il ne sache pas où aller, chez lui quand il en a un, chez un ami, ou même dehors démontre bien la vie qu'il mène, il est donc, encore une fois, en mouvement. Enfin, les conjonctions adversatives énormément présentes dans cet extrait montrent que son futur est incertain qu'il vit "au jour la journée" comme le dit Diderot un peu plus tôt dans le texte. Cet extrait précédant le poème Ma Bohème d'Arthur Rimbaud peut rappeler l'écrit dans lequel le poète de génie décrit un homme qui n'a rien et qui joue un rôle. Le Neveu tout comme l' alter-ego du poète seraient donc des acteurs du monde. On peut aussi y voir une référence au theatrum mundi de l'antiquité et donc une nouvelle fois une référence aux textes de Pic. Pour terminer, Diderot utilise beaucoup de marqueurs temporels : "le matin", "la nuit", "le jour", "la veille". Une nouvelle fois, l'environnement du neveu (et donc le neveu en lui même) se retrouve en continuel mouvement spacial mais aussi temporel. Diderot change constamment le cadre temporel employé dans le texte ce qui montre l'incertitude du personnage et, une nouvelle fois, l'instabilité de son futur.

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