Le 4 janvier prochain, le monde du tatouage européen sera touché de plein fouet par une mesure. Après nombre de débats animés, l’Union Européenne a choisi d’interdire la réalisation de tatouages en couleur dès 2022. Les questions d’hygiène, d’identité et de risques de cancers sont les principales raisons qui ont poussé les eurodéputés à voter cette loi. Dans ce contexte, les tatoueurs du continent s’adaptent et cherchent à pallier cette décision. C’est le cas de celui qu’on appelle « Javert ». Tatoueur à Vichy depuis 10 ans, ce professionnel se reconvertit dans le tatouage noir et blanc.

Javert est heureux de voir arriver un client. © Loïs PATTON

Javert est heureux de voir arriver un client. © Loïs PATTON

Depuis 2019, le parlement européen réfléchit à un projet de loi visant à interdire près de 25 pigments colorés pouvant être à l’origine de cancers. Après un vote récent, les eurodéputés ont finalement choisi d’interdire l’utilisation de ces pigments dans les 27 dès le 4 janvier 2022. Javert, tatoueur installé à Vichy depuis une décennie, conte son parcours et son point de vue.

 

Une personnalité atypique

Lorsqu’un client passe la porte du salon de tatouage « Javert Tattoo », ce dernier tombe alors nez à nez avec l’homme des lieux, Javert. Un corps de grande taille, les épaules larges, les bras musclés recouverts de graphismes colorés rappelant le pays au soleil levant, la barbe taillée au centre et maintenue sur les joues… Ces traits physiques le caractérisent et peuvent inquiéter une clientèle qui ne verrait en lui qu’une masse musculaire imposante étant prête à se bagarrer.

Mais un détail reste à souligner pour rassurer quiconque entrerait chez ce tatoueur. L’homme dépose son regard sur son sujet d’un air rassuré et laisse entrevoir un merveilleux sourire. Il se dégage alors instantanément de Javert, une sympathie sans pareil. Rien ne laisse craindre la possibilité d’une erreur tant son accueil est chaleureux. Sans plus attendre, le tatoueur vichyssois prend des nouvelles, apprend à connaître et essai de percevoir la personnalité de ses clients. « Pour moi, c’est essentiel d’échanger un moment avec mes clients ne serait-ce que sur leur vie, leurs passions, leur travail. C’est grâce à cela que je peux me plonger dans l’imaginaire graphique de mes clients afin de leur offrir le meilleur tatouage possible. Et, entre nous, je dois dire que j’aime beaucoup discuter, je suis bavard et curieux (rires) »

Déjà d’apparence, le professionnel du graphisme dermatologique présage du bon pour la suite.

 

Une expérience importante

Si cela fait 10 ans que Javert tatou du côté de Vichy, ce dernier n’en est pas à son premier salon : « Je ne suis pas du coin, je viens d’Angers à la base où je tenais déjà un salon de tatouage » s’exprime-t-il. Et concernant l’expérience, l’homme aux tatouages japonais possède un sérieux CV : « J’ai désormais 50 ans dont 30 de professionnalisme dans le métier bien qu’il soit difficile de définir un réel commencement à la pratique du tatouage. Déjà petit, je dessinais des dessins sur la peau de mes amis et sur la mienne. Qu’est-ce que mes parents ont pu se mettre en colère parfois en me voyant avec des bras pleins de feutre ! (rires) ».

Pour se lancer dans le métier, pas d’école, pas d’études et pas d’apprentissage, tout se fais « sur le tas » comme aime le dire le praticien en tatouage : « Personnellement, j’ai tout appris tout seul ou presque. Je me suis intéressé de mon côté à ce métier passion mais il m’a fallu tout de même m’appuyer sur le savoir de quelqu’un d’expérimenté pour apprendre. J’ai ainsi été recruté chez un tatoueur d’Angers qui m’a formé pendant 3 ans à ce métier ».

Au départ, rien n’est facile et il faut s’habituer à reproduire au mieux les différentes productions que lui donne sa clientèle : « C’est parfois compliqué d’expliquer à quelqu’un que son tatouage ne pourra pas fonctionner. Il y a diverses règles à respecter et c’est aussi mon rôle de conseiller mes clients pour qu’ils puissent faire le meilleur choix ».

 

 

Un retour au noir et blanc

Des règles, Javert n’a pas fini d’en respecter. La couleur sera bannie en 2022. Une décision qui ne ravit pas le tatoueur : « Pour moi, c’est avant tout une mesure sanitaire visant à diminuer le contact des particuliers avec des professionnels pratiquants des métiers non-essentiels ».

Fort heureusement, les tatouages en noir et blanc sont à la mode : « Depuis plusieurs années, je constate que les Français choisissent plutôt le noir et blanc pour leurs tatouages. Cette mode s’explique certainement par une crainte de problèmes avec la couleur. Les gens pensent souvent que la couleur ne tient pas ou qu’elle bave avec le temps alors que c’est faux à en voir mon bras tatoué depuis plus de 30 ans ! » explique Javert en montrant son bras d’un bleu sublime.

Le 4 janvier, Javert et tous les tatoueurs devront ranger leurs dermographes à couleur dans les placards et promouvoir une nouvelle tendance. Javert espère simplement que sa clientèle « […] ne partira pas en Suisse ou en Norvège » où la couleur sera toujours de mise.

 

Loïs Patton

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