Les friperies, évitées et désignées comme sales il y a quelques années, ont connu une croissance majeure ces dernières années. L’inflation ou la prise de conscience écologique en sont la cause. Aujourd’hui, elles sont des témoins d’un changement sociétal en cours, composé de moins de neuf et de plus de pensées pour l’environnement. 

Les ventes dans les friperies continuent d’augmenter./ Robinson Greig, Unsplash

Les ventes dans les friperies continuent d’augmenter./ Robinson Greig, Unsplash

À la Maison de quartier, les habits s’entassent dans le magasin. Depuis l’extérieur, des lignes de portants, des vélos et des meubles en tout genre sont visibles. Mais ce n’est qu’une fois à l’intérieur que l’étendue de la boutique se remarque.

Sur la gauche se trouve une épicerie solidaire, tenue par une propriétaire différente. Tout droit, des rayons de vêtements. Chapeaux, manteaux, robes, costumes d’enfants ou encore chandails en tout genre, se battent pour avoir leur place dans l'échoppe pleine à craquer. Au fond, ce sont des meubles de tous les types. Mais ce bazar organisé n’est rien comparé au sous-sol de l'entrepôt, endroit où tout peut se retrouver.

Ce lieu, c’est la friperie solidaire jonquiéroise. Située sur la rue Sainte-Famille, elle est le témoin d’un changement de mode de vie en cours. Selon le baromètre 2021 de la consommation responsable, la moitié de la population canadienne consomme régulièrement de la seconde main. Un quart de plus en consomme occasionnellement.

En dix ans, on constate un net changement du mode de consommation. En 2011, seulement 13 % et 15 % des interrogés avaient, respectivement, régulièrement et occasionnellement recours à l'achat d’objets de seconde main.

 

Des envies évoluant

Dans la Maison de quartier, tous les acheteurs se succèdent. Jennifer, femme au foyer, est là pour « trouver des bonnes affaires », Lise, retraitée, pour « fouiller, économiser et protéger la planète », Dominique, collectionneur, pour « trouver de vieux articles, les gens passent souvent à côté de merveilles ! », Valentin, étudiant, pour « la recherche de pièces uniques et de vêtements vintage. »

Tous les clients, quarante interrogés dans la boutique au cours de la journée, ont des motifs et des trouvailles recherchées différentes. Mais un point commun les relie presque tous. Ils sont fiers de protéger l’environnement en achetant sur place.

« On achète, on jette, on rachète, on rejette, pourquoi faire ?, continue le collectionneur. Ici ce n’est pas cher, et la qualité et le service sont bons. J’y achète des jeux pour mes enfants, ils sont contents et j’évite le gaspillage. »

Axelle Maerten, étudiante, achète de la seconde main, sur place et en ligne, dès qu’elle en a l’occasion. « Ici, sur Vinted, dans les fripes… Un peu partout. C’est bien de redonner vie aux vêtements, c’est plus écologique. Je ne peux pas forcément faire beaucoup pour l’environnement, mais je peux au moins faire ça. Surtout que si on peut acheter quelque chose en friperie, pourquoi aller ailleurs ? »

Dans la boutique, la majorité des clients achètent de manière assez différente, en moyenne 20 à 50 % de ce qu’ils consomment viennent de friperie. Mais ils se sont mis d’accord : l’achat de seconde main n’est, pour eux, pas une simple mode, mais bien un changement de mode de consommation, et donc un changement de société en cours, qui ne fera qu’augmenter dans les prochaines années.

Trouver des articles uniques, économiser et protéger l’environnement sont les objectifs principaux des clients./ Becca Mc Haffie, Unsplash

Trouver des articles uniques, économiser et protéger l’environnement sont les objectifs principaux des clients./ Becca Mc Haffie, Unsplash

Augmentation de la clientèle

Le changement se fait ressentir à la Maison de quartier. Selon son directeur général, Marc Gagnon, les ventes ont augmenté de plus de 10 % depuis la relocalisation de la boutique il y a deux ans. « C’est significatif. Aujourd’hui la population a de plus en plus de conscience environnementale et sociale, et elle vient acheter ici. Pour moi, c’est une tendance qui va durer dans le temps. »

Le constat est le même dans les grosses villes. La friperie Du Pavois, située sur la 4e avenue à Québec, a elle aussi vu ses ventes et sa clientèle augmenter. « Elles ont presque doublé depuis 2017 », constate la responsable, Béatrice Jean-Allart. « Autrefois, la plupart de nos clients étaient des personnes à faible revenu, aujourd’hui les acheteurs se sont diversifiés », continue-t-elle.

Dans la boutique, on peut aujourd’hui croiser beaucoup d’étudiants ou de jeunes adultes, des collectionneurs, « et aussi, on le sait, des personnes cherchant à acheter à bas prix pour revendre plus cher ailleurs. »

Pour elle, plusieurs changements expliquent cette augmentation. « Il y a bien-sûr une plus grande visibilité de notre boutique et une fin des préjugés sur les friperies, non nous ne sommes pas un endroit sale. Mais aussi l'inflation, poussant les gens à acheter de la seconde main. Et, bien sûr, l’écologie, car ça fait moins de déchets et moins de pollution. Il y aura toujours des clients pour les boutiques vendant du neuf. Mais je pense que les ventes vont continuer à augmenter pour nous, en même temps que la prise de conscience écologique augmentera. »

 

Amandine Rossato

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